Origine et diffusion de la drépanocytose

La drépanocytose : une maladie mondiale

La distribution géographique de la mutation génétique à l’origine de la drépanocytose (gène ßS) est liée à deux facteurs principaux : la présence du paludisme et les déplacements de populations.

Drépanocytose et paludisme

Le paludisme, ou malaria, est une maladie due à un parasite appelé Plasmodium qui infecte les globules rouges. Il existe cinq espèces dont le Plasmodium falciparum, qui est l’espèce la plus fréquente, responsable de la majorité des décès dus au paludisme. Cette pathologie touche des millions de personnes essentiellement dans les régions tropicales. Le parasite se multiplie en partie dans les globules rouges qui sont détruits pour libérer de nouveaux parasites. L’hypothèse selon laquelle des fréquences élevées du gène drépanocytaire étaient observées dans les régions endémiques pour le paludisme a été formulée dès la fin des années 1940 par Haldane. Dans les années 1950, Anthony Allison observe la superposition géographique de la distribution du gène (dans les zones de diffusion originelles de la drépanocytose) et celles où sévit le paludisme (zones endémiques). Son hypothèse était alors que les individus AS pourraient être protégés contre le paludisme à P. falciparum.

Il est aujourd’hui démontré que le trait drépanocytaire (AS) entraine une diminution de plus de 90% du risque de développer un paludisme grave à P. falciparum par rapport aux personnes ayant de l’hémoglobine normale (AA). Ces données expliquent la haute fréquence de cette mutation en Afrique sub-saharienne, dans les régions méditerranéennes, le Moyen-Orient et l’Inde. Les mécanismes de cette interaction ne sont pas encore complètement élucidés.

La drépanocytose est donc apparue dans les régions où le paludisme est très présent.

Les mouvements de populations

Les mouvements de population, volontaires ou non, ont entrainé une distribution plus large du gêne ßS à travers tous les continents. La traite négrière, qui a eu lieu entre le 16e et le 19e siècle, a entraîné le transport du gène drépanocytaire depuis l’Afrique vers les Amériques. Avec l’intensification des migrations au siècle suivant, jusqu’à aujourd’hui, la maladie s’est répandue sur tous les continents, en particulier en Europe occidentale, avec une fréquence élevée dans certaines populations migrantes.

C’est ainsi qu’aujourd’hui on trouve des malades de la drépanocytose partout dans le monde. La fréquence du gène ßS peut être très hétérogène entre zones géographiquement proches et varie en fonction de l’ethnie.

Par exemple, la prévalence du gène ßS au Brésil varie de 1,2% à 10,9%, en fonction de la région. Sur le continent africain, les fréquences les plus élevées, de l’ordre de 18%, ont été observées uniquement au nord de l’Angola.

Des fréquences supérieures à 10% ont été estimées en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, ainsi que dans certaines parties de l’Arabie Saoudite et de l’Inde. Chez les afro-américains, l’incidence à la naissance est de 1 nouveau-né sur 360. Aux Antilles françaises, elle est de 1 nouveau-né sur 300.

Une maladie historiquement raciale

Si la première description moderne de la drépanocytose remonte a priori à 1846 avec la publication d’écrits aux États-Unis qui exposent des cas d’esclaves montrant une résistance au paludisme avec une tendance aux ulcères de la jambe, la maladie n’est vraiment identifiée qu’au début du 20e siècle lors de la prise en charge dans un hôpital de Chicago d’un jeune étudiant venant de la Grenade qui présentait une anémie avec des globules rouges ayant une forme particulière. La drépanocytose était alors
identifiée comme « la maladie des Noirs ». Ce n’est que dans la deuxième moitié du 20e siècle que la recherche génétique montre que la présence du trait drépanocytaire est indépendante de la couleur de peau même si sa fréquence varie en fonction de l’ethnie.